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jeudi 13 juillet 2017

La musique dépasse les notes et les mesures, en cuisine comme en peinture !

Quelques films montrent des cours par de vrais musiciens artistes qui expliquent que la musique n'est pas l'exécution de notes, ni la réalisation de mesures, mais la production de phrases musicales. Ici, je me propose d'observer que cette idée, un peu insuffisante, vaut pour tout !

 Commençons par la musique. Quand un compositeur veut transcrire cette musique qu'il a en lui, comme le mathématicien Poincaré avait en lui des idées mathématiques, il identifie un rythme, et il divise donc sa musique en mesures, selon un rythme donné : valse à deux temps, trois temps..., par exemple. On comprend que, lors de l'exécution, une note isolée ne vaut rien, puisqu'elle doit être inscrite dans un groupe de plusieurs notes, mais on comprends surtout qu'une mesure ne vaut rien non plus, et c'est la phrase musicale qui commence à prendre du sens, s'étendant sur plusieurs mesures. C'est que l'on trouve bien expliqué dans quelques cours ("master class") de quelques beaux artistes : je vous recommande le film de Jean-Louis Comolly, avec Michel Portal, ou les cours publics de Paul Tortelier, également en ligne. Voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=rrspe5ntGfI ou encore https://www.youtube.com/watch?v=DkEYHxpmgSM.
Mais on ne dit pas assez, et pas assez clairement, que la phrase elle-même est insuffisante, parce que l'oeuvre est faite de plusieurs phrases, qui ne sont pas indépendantes et dont l'assemblage forme l'oeuvre. Chaque phrase ne peut donc être jouée que par rapport aux autres, et il ne peut y avoir d'hétéroclite : si quatre accords sont funèbres, à un moment donné du concerto de Mozart pour clarinette, alors il ne peut y avoir ailleurs, dans la pièce, de parties interprétées selon une autre idée que celle qui prendrait en compte ces quatre accords.

Et plus généralement ?

En cuisine, par exemple, il y a bien sûr les vieux plats, qui sont en réalité assez sommairement faits, et des cuisines plus artistiques. Les vieux plats ? Un cassoulet, c'est la totalité des ingrédients qui est mise dans la "cassole", laquelle est placée sur le feu. La part d'interprétation se résume au choix des ingrédients.
En revanche, pour des mets plus modernes, composés de parties qu'il faut réunir, on comprend que leur préparation ne puisse se comprendre, ni donc se faire, sans considération pour les autres parties, et, surtout, sans compréhension de l'idée générale du plat.
En littérature, Flaubert a tout dit, et il suffit de comparer la dixième et la onzième versions de sa Tentation de Saint Antoine pour observer, admirer, comprendre la transposition de l'idée musicale : le changement d'un mot, en un point d'une phrase, fait basculer le sens, la coloration, la tonalité de tout un paragraphe, de toute l'oeuvre. Tout est nécessaire, tout se tient, telle une toile d'araignée qui vibre entièrement quand on agite l'une de ses parties.
En sculpture, en cinéma, en danse, en... Et en science ?
Certes, un autre de mes billets évoque le style en science, mais quand même, nous sommes sur les rails du calcul, des phénomènes saillants du monde, et la question est autre. A part la cohérence de l'Homme et de ses travaux, je vois mal, et j'ai besoin de l'intelligence de mes amis pour y voir plus clair.

samedi 25 avril 2015

Je ne veux pas être responsable de la poussière du monde

Ah, la poussière du monde ! Cette idée m'avait été donnée par le moine Citrouille Amère, Shitao, un peintre chinois qui produisit un remarquable traité de peinture, intitulé L'Unique Trait de Pinceau. Je ne comprends pas bien pourquoi, mais les cultures chinoise ou japonaise m'ont longtemps ébloui (et j'utilise le terme à  bon escient), au point que j'ai "gobé" bien des idées que je récuse aujourd'hui. La question de l'unique trait de pinceau, par exemple, me semble aussi fausse que la critique des "cuisines d'assemblage" par les cuisiniers français classiques. Pour le cas de la cuisine, il s'agirait de produire le plat d'un coup, et de ne pas superposer des éléments cuits séparément. Par exemple, pour une tarte au citron meringuée, il faudrait cuire en une fois la pâte, avec sa garniture, et sa meringue... ce qui est sans doute impossible théoriquement si l'on veut une pâte bien croustillante, une garniture bien moelleuse et une meringue parfaite ; celui qui superposerait pâte cuite à part, garniture cuite à part et meringue cuite à part serait sanctionné, lors des épreuves des Meilleurs Ouvriers de France. De même, selon Shitao, il faudrait peindre d'un trait, sans reprise, sans rature, parce qu'il serait impossible de corriger un trait erronné, ce qui imposerait une longue méditation avant de tracer les traits. Mais, là encore, en vertu de quelle loi ne pourrait-on pas corriger ? 

C'est ce même Shitao, donc, qui introduit cette idée de "poussière du monde" qu'il faut combattre afin d'être capable de produire une oeuvre d'art. D'où la méditation, notamment. Il faudrait se vider l'esprit pour que seul l'unique trait de pinceau puisse advenir correctement. Longtemps, j'ai propagé l'idée de la poussière du monde, en y voyant les imbécillités que le monde ne cesse de sécréter, les platitudes, les lieux communs, les clichés, les conversations insignifiantes faites pour "meubler", pour créer le lien social sans autre support que cette volonté implicite de socialité. Mais il ne suffit pas d'énoncer un mot pour faire exister un concept : carré rond, père Noël... Ete la poussière du  monde  existe-t-elle vraiment ? Je crois finalement que c'est nous qui la sécrétons, et pas le monde ! C'est nous qui  admettons des discussions insignifiantes, qui y participons. C'est nous qui, souvent par timidité, acceptons cet avatar du Guide de la conversation et des bonnes manières, qui permettait, lors des dîners bourgeois, de ne parler ni de religion, ni d'armée, ni de politique. C'est nous qui nous vautrons dans le dernier film ou roman à la mode, fut-il écrit par un petit marquis dont la prétention n'est égale qu'à l'incapacité à écrire des phrases correctement agencées (sans parler de rhétorique, bien sûr, dont ils ignorent tout). C'est nous, donc, qui sommes responsables de la poussière du monde, et non le monde qui voudrait nous empoussiérer. 

Dans la mythologie alsacienne, partie ensuite en Allemagne, puis dans les pays du nord de l'Europe, il y a ce concept du Ragnarok, ce moment où les Géants viendront combattre les dieux, raison pour laquelle ces derniers recrutent des guerriers qui occupent le Valhalla. Les Géants  ? Dans une certaine acception de la mythologie, ils seraient l'équivalent de cette poussière du monde engendrée par le monde... mais on se souvient que je propose plutôt que nous soyons les créateurs de la poussière. De même, les Géants sont dans les dieux, et pas des entités menaçantes extérieures. Nous portons en nous  la responsabilité de faire exister le monde, avec ses Géants, sa poussière. Une fois que l'idée est claire, il devient plus facile d'éviter poussière et Ragnarok, fin du monde.